18 Février 2020
OUI
Oui !
Oui, je suis ton chien
N'ayant d'aboyance que la mienne
Oui je suis ce loup garou
Défiant la Lune perverse
Pleine de sa chair !
Oui, je fais le malin
Trafiquant des combines
Oui je taquine
L’éternelle concubine
Enfilant les Étoiles solaires
Sur ma quenouille en l’air
Oui, je suis un monstre
Fatiguant son gibier
Oui je suis bourreau
Allongeant le supplice
Sur l’autel d’Éros
Je fane les roses
Oui, je suis ton dieu
Pour t’éprouver sans doute
Oui, je suis cette idole incarnée
De terre et d’eau qui désire
Soumis à tes caprices
À la caresse de ta peau
Oui, je suis ton maître
Exigeant et sans faiblesse
Oui, une laisse d’écume
Autour de tes reins
Prisonnier je m’évade
Des murs de ton sein
Oui, je suis ton esclave
Négligeant mes chaînes
Oui, je suis infidèle
Comme la vie après la mort
Je suis ton remord
Et ton âme comblée
Sabrina Barbès
LA PUTAIN DE DIEU
(Indulgence)
Poupée de cire molle au masque triste. Sa bouche carnée aux dents noires, elle sourit. Sur le fond bleu de ses yeux, coulent les traits de la nuit.
Des mains croisées qui font fléchir les ans. La bourse nouée autour du poignet, elle défait sa chevelure. Et chaque jour recommence sa triste romance.
À guichets fermés les soirs d’abondance, loin des lieux saints, mais aux lieux d’aisance, où le bourgeois propret et vulgaire déballe sa bourse sur un comptoir.
La putain de Dieu officie dans le club des déportés de l’enfance. La rose entre les dents elle a figuré pour la science entre deux potences.
Tous les mots vont pour elle. Mais aucune nuit ne lui ressemble. A la putain de Dieu, quoi ; des nuits et des nuits à marcher – comme s’il ne pouvait jamais faire jour.
Le bord de sa lèvre supérieure frissonne et elle a un léger rictus nerveux qui lui fend la joue. Elle regarde les néons coloriés dans la brume blafarde. Une ombre épaisse de sueur, avec une haleine chaude d’alcool et de tabac, stationne devant elle.
Soldate au garde à vous, poupée de plastique dur, lisse et polie. Peinte au vernis. Ses faux cheveux blonds tirés en arrière pour dégager son front hautain et stupide. Elle affiche le prix de sa liberté.
Le client morose renâcle en grimpant derrière sa croupe jusqu’à une balustrade, d’où, autrefois, on jeta un exilé par une fenêtre.
Elle craint la lumière et ferme le rideau. Elle cache la vue plongeante sur son secret que le chaland pourrait voir en passant devant la vitrine de la boutique.
La rose de nuit, fleur de nenni, garde la pose au champ d’honneur ; pour la bonne cause ou le malheur. Et Dieu lui tient sa main pour lui souffler un baiser.
Dans le miroir son visage se ranime et le rouge de son sang sur le blanc de ses joues. Son sourire efface les tirades de la nuit.
Le jour seul voit ses rides pendant son sommeil. Sur le lit d’un hôtel, elle ferme les yeux.
Sabrina Barbès
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