10 Janvier 2024
À mon ami le poète,
Le milieu poétique n’existe que pour les fous qui se placent toujours au centre des tourmentes et n’ont ni cœur ni ventre mais des membres noueux pour tordre l’indicible de l’idiotie.
Le bureau des affaires poétiques est géré par les égos gangsters qui s’auto détruisent avec des mines patibulaires et ne sont que les capons des statues de pierre où les esclaves des nations gravent les signes ostentatoires des langues mortes dans le palais des rois et fixent dans des atomes les codes numériques des républiques.
Les milieux sont des tourbillons qui aspirent leurs victimes pour en faire l’élite des morts dont on inscrit les noms dans les livres de l’histoire de l’art des élites délétères. Et ces noms deviennent célèbres parmi les nécrologues qui les évoquent et les épellent lors des rassemblements des foules désuètes avant les grands massacres, après les génocides et entre les repas d’affaires des saigneurs de la Terre et des banquets orgiaques des seigneurs des croyants.
Autour de ces cercles de poètes vertueux de la langue et vicieux des viscères il y a toute la place de la vie saine et sauve des valeureux paresseux qui inventent le langage de l’aventure au gré de la volonté de la vie même dans tous ces états de la plus petite graine à la plante majestueuse en passant par les broussailles ordinaires.
La fantaisie de ces fantassins pacifiques ou ténébreux inspire telle une muse le génie caché dans les fossés des chemins où vagabonde le solitaire au bras de sa solitude et ce génie souffle les paroles au vent des oreilles attentives au sentiment de la route pour que le drôle ou la drôlesse arrête sa marche, sorte de sa poche stylet ou plume ou même avec l’ongle grave un signe sous les traces de ses pas, dans l’écorce d’un arbre, au front d’une grotte et même sur les courants de l’air et quand cela est fait, les muses sortent discrètes dans la lumière du jour ou du clair de Lune pour déposer leurs jolies voix sur les portées de la nuit étoilée.
Ô, ami, garde ta superbe, cette confiance dans la vie qui tout à coup devient silence, laisse lui sa chance de demeurer dans ton cœur pour que rien ne meurt quand tu seras absent, ton voyage se prolongera aussi loin et profond que le souvenir que tu nous laisses en partant.
Ô, ami, pour le présent, tu es notre éternel !
Si nous sommes idiots, c’est bien grâce à nous et tant pis pour la science, nous n’avons pas la patience d’attendre un diplôme où une récompense après un quelconque dressage – nous voulons tout, tout de suite !
Nous sommes tout.
Nous avons tout,
Ô, mon ami poète,
Amène les boutanches et siffle les filles, c’est toujours aujourd’hui !
Pierre Marcel MONTMORY