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Le blog de Pierre Montmory

L'ÉCRIVAIN

L'ÉCRIVAIN

L’ÉCRIVAIN

     Il existe deux sortes d’écrivains, les littérateurs de carrière et les véritables écrivains - modestes apprentis en écriture, qui vivent l’écriture comme leur propre épanouissement.

     L’actualité éphémère : être l’objet d’éloges de la part de l’institution littéraire conduit à douter de moi-même, mais être considéré comme persona non grata, me réconforte en revanche dans ma conduite et dans mon travail.

     Le vrai artisan appartient à la modernité atemporelle des œuvres appelées à perdurer, malgré l’ostracisme qui les frappe souvent au moment où elles sont écrites.

     L’œuvre d’art authentique  n’est soumise à aucune urgence. La puissance lui survit et atteint une dimension transcendant les frontières et les époques.

     Conquise à grand-peine, ma condition d’homme libre invite à la modestie. Le regard qui part de la périphérie vers le centre est toujours plus lucide que l’inverse, et, à l’évocation de la liste de mes maîtres condamnés par les gardiens de la norme nationale-religieuse au silence et à l’exil, je ne peux m’empêcher de penser avec tristesse et mélancolie à la vérité de leurs critiques et à leur exemplaire honnêteté.

     La lumière jaillit du sous-sol quand on s’y attend le moins : qui peut encore rester dans l’opposition ?

     Les nations et les religions, leurs identités totémiques, sont incapables d’embrasser la richesse et la diversité humaine.

     Résister c’est s’aventurer dans le territoire incertain de l’inconnu. C’est aussi douter des dogmes et des prétendues vérités, présentées comme intangibles, car cela nous aide à échapper au dilemme qui nous taraude, entre l’uniformité imposée par le fondamentalisme de la technoscience dans le monde globalisé d’aujourd’hui et la réaction violente et prévisible des identités religieuses ou idéologiques, qui se sentent menacées dans leurs croyances et essences.

     On s’obstine à déterrer les pauvres ossements des héros et des martyrs en vue d’en faire la promotion auprès des touristes comme s’ils étaient des saintes reliques qu’on aurait fabriquées en Chine.

     Combien de mes lecteurs savent les ennuis financiers, l’indigence que je dois endurer, la faillite dans mes affaires, l’insupportable inconfort que je vis dans mon quartier malfamé, avec mon épouse, et mes cinq enfants en 2017, année durant laquelle j’ai rédigé, au milieu de la promiscuité des marginaux et des bas-fonds de la société, une grande quantité d’ouvrages lus par le monde dans des éditions à compte d’auteur, et des copies de mes œuvres par mes propres lecteurs qui en font la traduction dans différentes langues ?

     Que règne la vérité et disparaissent les ombres ! La vérité ne s’impose guère en dehors d’une poignée d’érudits.

     Les conférences, les hommages, les commémorations et autres célébrations se succèdent les unes après les autres, engraissant au passage la bureaucratie officielle et les ventripotents cloués à leur fauteuil, peu sinon très peu de spécialistes continuent à se consacrer à l’examen sans préjugés de mes longues années passées à dormir dans le silence de l’oubli, de ce poétereau déjà vieillissant que je suis (plutôt versé dans le malheur que dans l’écriture) qui attend en silence ce que dira ce faillible législateur de toujours qu’on nomme le public.

     Atteindre l’âge de la vieillesse, c’est prendre la mesure de la vacuité et du caractère chimérique de nos existences, autrement dit, « cette exquise merde de la gloire ».

     L’agréable jardin où se déroule la vie de ceux qui ont le plus ne doit pas nous distraire du sort réservé à ceux qui ont le moins, en ce monde où le progrès prodigieux des nouvelles technologies s’accompagne inexorablement de la propagation des guerres et des conflits meurtriers, et de l’extension sans fin de l’injustice, de la pauvreté et de la faim.

     Venger les injures, secourir et venir en aide aux opprimés - dont le seul crime est leur instinct de vie et leur soif de  liberté.

     Les raisons qui doivent nous pousser à l’indignation ne manquent pas et l’écrivain ne peut les ignorer sans se trahir lui-même.

     Pour nous, il  ne s’agit pas de mettre notre plume au service d’une cause, aussi juste soit-elle, mais d’instiller le ferment contestataire de celle-ci dans le domaine de  l’écriture.

     La conscience des méfaits du temps qui dévore et consume toutes les choses, nous conduit à prendre de l’avance en se servant des genres littéraires en vogue comme matériau de démolition afin de construire un prodigieux récit des récits qui se déploie jusqu’à l’infini.

     Il nous faut revenir à la folie comme une forme supérieure de sagesse, telle est la leçon à retenir, nous ne nous évadons pas de l’injuste réalité qui nous entoure, bien au contraire nous y pénétrons de plain-pied. Disons bien haut que nous pouvons. Ceux qui ont été contaminés par un premier écrivain n’abdiqueront jamais devant l’injustice.

 

L’ÉCRIVAIN

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