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Le blog de Pierre Montmory

L'HOMME OUBLIÉ

L'HOMME OUBLIÉ
L'HOMME OUBLIÉ

Quand les matins s'ébrouent, silencieux écorchés
Et qu'il n'est plus d'élan à leur soleil de glace
Alors, sans un regard pour la nuit qui s'efface
Et seul parmi les siens, s'en va l'Homme Oublié.

Ses mots d'espoirs blêmis grelottent à ses pieds,
Haranguant le passant au pas de poignard cru,
Agitant sous ses peurs un cœur à moitié nu,
Rêvant encore d'un geste ou même d'un baiser.

Mais nul ne se retourne ou n'esquisse un élan,
Un début de présence, un pas vers l’exister,
Le peuple qui travaille a bien trop mal aux pieds
Et crache sa peur à la paume des errants.

Mais lui, ces pieds Madame, il les compte et recompte
Et sans talons aiguilles, poinçonnant l’espérance !
Non, juste au bout des doigts, quand sa ferveur avance
Il veut vous les hurler, mais en alexandrins !

Car lui, ces pieds Monsieur, oui Vous, Monsieur le Conte !
N’auront jamais l’éclat de vos souliers vernis,
Enfin qu’un « moins que rien »vous aura assouplis
Avant de les lustrer, pour Votre plus grand bien !

Non, lui le « va-nu-pieds » qui affûte son verbe
Aux regards aiguisés jusqu’à trancher l’espoir,
Funambule amnésié sur l’oubli du trottoir,
Il vous les confiera, sous vos effrois acerbes.

Il sait la fin écrite à ses espoirs noués
Comme le pas clouté ordonné à vos sbires,
Les feuillets envolés à leurs tristes plaisirs
De gommer de vos seuils le prix des Oubliés.

Alors il s’en ira, son sourire d’affranchi
Sciant talons aiguilles, matant souliers vernis,
Rassemblant dans l’urgenc’ son grand bouquet de vers
Pour aller les semer au plus Vrai de la Terre.

Alors il s’en ira dormir sous d’autres cieux,
De jardins partagés en squats oublieux
Où son oubli subsiste en passés sacrifiés
Mais la nuit est possible à force d’exister.

Quand les matins s'ébrouent, silencieux écorchés
Et qu'il n'est plus d'élan à leur soleil de glace
Alors, sans un regard pour la nuit qui s'efface
Et seul parmi les siens, s'en va l'Homme Oublié…

poème de Jean-Luc Moulin 
tableau de Ibrahim Barghoud

A l’heure de l’accomplie récolte…

Écouter le ruissèlement des secondes léchant la peau acérée,
Prendre le temps d’écouter leurs doigts minuscules
Et leurs chemins décidés.

Leur céder le contrôle et les étoiles sans appréhension
Mais rester attentif à leurs plus intimes injonctions
Afin de les sentir devenir grésillements jusqu’à la brûlure.

Accepter alors la consumation comme ultime enjeu,
Entendre le chant doux du feu dans toute sa franchise
Et l’accueillir dans son chemin,
De sa surface crépitante au plus intime de sa lave bouillonnante.

Laisser la danse ignée dessiner ses méticuleuses connaissances
Et y apprendre les plus éperdues parcelles de soi,
Y étancher ses soifs les plus inconnues
En amours désapprises.

Alors pouvoir désormais recevoir les enseignements du silence
Et recevoir son chant damné comme autant de consciences,
Devenir en complétude chaque note muette,
Chaque interstice d’oubli réconcilié.

Y tendre la résurrection de sa peau impatiente
Telle une amante esseulée sous la pluie carnassière,
S’abandonner en vertige à la plénitude de ce vide
Jusqu’à la jouissance suspendue d’être.

Et s’oublier au bonheur jardinier de l’accomplie récolte,
Glisser l’ongle dans la fente de la première seconde entrouverte,
En écarter les moitiés de sa coque
Et porter enfin le jour naissant à ses lèvres…

 

poème de Jean-Luc Moulin 

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C
Bonsoir, <br /> Un monde sans frontière et au coeur ouvert changerait bien des misères.<br /> @mitié
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