la formation de l’homme
La formation de l’homme désigne aussi bien l’éducation que l’instruction, aussi bien les Belles Lettres que la sagesse, voire même la civilité, le savoir-faire. L’ensemble de ces désignations sont orientées vers l’idée de la formation de l’honnête homme, à la manière du modèle qui prévaut en Europe durant la Renaissance.
Il s’agit d’activer en l’homme la bonhomie.
Le savoir au sens strict reste conditionné par l’apprentissage du savoir vivre et du savoir-faire.
La formation de l’homme pouvant désigner à la fois l’éducation, les règles de conduite, la culture, le savoir-faire, les maximes de sagesse, l’élégance, les Belles-Lettres.
Cultivé sans être pédant, discipliné sans être étroit d’esprit, élégant, poli et réfléchi, incarne l’idéal de la société qui pousse jusqu’aux limites les plus reculées, et à travers de nombreuses disciplines la réflexion sur l’Homme.
La culture générale de l’honnête homme se lit par exemple dans la célèbre définition qui le décrit comme « le fait de prendre de tout un peu », de toucher à tous les domaines de la culture et d’avoir une certaine maîtrise dans de nombreuses disciplines.
Cette maîtrise, qui doit rester générale, s’oppose donc au type de savoir que possède le spécialiste d’un domaine particulier comme la grammaire, la poésie, la lexicographie, l’histoire, la rhétorique, la politique, etc.
Des bonnes manières dont l’homme raffiné et cultivé doit se munir pour appartenir à l’élite.
Des bonnes manières en leur rajoutant tout ce qui touche à la finesse du caractère, au raffinement qu’elle en a fait : une notion qui s’oppose à la rudesse des mœurs et à la sauvagerie du comportement. Associé au raffinement et à la maîtrise d’un certain art de vivre, notamment sur le plan culinaire et vestimentaire, incarne les fleurs des bonnes manières et les fruits des intelligences, les plaisirs de la bonne compagnie et les joies des discussions amicales.
L’honnête homme
Le concept de « l’honnête homme » a pour principales caractéristiques : l’importance donnée à la culture générale, la courtoisie, la sociabilité, la modération, l’équilibre… etc.
L’honnête homme est l’idéal d’humanité à atteindre. Une façon de se « civiliser ».
L’honnête homme est noble et possède les qualités du penseur. L’honnête homme est de compagnie agréable et sait dépasser ses sentiments sans se mettre en valeur à tout propos.
Pour plaire, il doit maîtriser son amour propre, savoir dépasser ses sentiments et pratiquer l’altruisme.
Ainsi, le poète Molière exprime l’idéal de l’honnête homme :
« Mon Dieu, des mœurs du temps mettons-nous, moins en peine, Et faisons un peu grâce à la nature humaine ; Ne l’examinons point dans la grande rigueur, Et voyons ses défauts avec quelque douceur Il faut, parmi le monde, une vertu traitable ; À force de sagesse, on peut être blâmable ; La parfaite raison fuit toute extrémité, Et veut que l’on soit sage avec sobriété. Cette grande roideur des vertus des vieux âges Heurte trop notre siècle et les communs usages; Elle veut aux mortels trop de perfection: Il faut fléchir au temps sans obstination ; Et c’est une folie à nulle autre seconde. De vouloir se mêler de corriger le monde. J’observe, comme vous, cent choses tous les jours, Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours ; Mais quoi qu’à chaque pas je puisse voir paraitre, En courroux, comme vous, on ne me voit point être, Je prends tout doucement les hommes comme ils sont, J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ; Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville Mon flegme est philosophe autant que votre bile… »
Les connaissances de l’honnête homme ne visent ni la théorie, ni à être cultivées en secret ou dans la solitude.
Le comportement, le discours, l’apparence, et surtout le style est l’incarnation de sa personne.
La formation de l’homme est, avec l’art de gouverner, l’une des découvertes les plus difficiles de l’humanité.
L’homme de bonne éducation est éduqué ; il est appelé ainsi parce qu’il forme les personnes aux actions louables et interdit les actions méprisables.
La difficulté majeure, est celle du lien concret entre le sens éthique de la formation de l’homme et son acception esthétique. Certes, l’évolution a commencé à signifier l’élégance, la distinction, le raffinement, les plaisirs de l’esprit, alors qu’elle n’aurait eu, auparavant, qu’un sens moral, celui de la bonne conduite et de l’imitation des habitudes louables.
La morale et le sens du beau
Sont inséparables.
La bonne éducation présuppose la maîtrise de l’art de vivre et de ses règles, la formation du goût des individus ainsi que de leur sensibilité à travers la sollicitation constante de l’imagination.
L’éducation vers un sens esthétique débouche sur le raffinement et des raffinés, sur la mise en valeur de l’apparence de l’individu et de son élégance, au physique comme au moral, sur la forme et le style de son comportement. Cette explication qui fait de l’art le lieu de jonction entre l’éthique (la morale) et l’esthétique (le sens du beau) dans la formation de l’homme de raison, savant et poète.
La raison,
Instrument de la formation de l’homme
L’éducation prédispose l’individu à intérioriser les qualités louables et à les transformer en une seconde nature, en des habitudes lui permettant d’agir spontanément selon les bonnes manières. Un poète dit : « C’est ainsi que j’étais éduqué, au point que cette éducation est devenue un de mes traits de caractère. »
L’éducation est le pivot des bonnes mœurs.
Le bon naturel maintient les mœurs et les perpétue, l’éducation s’acquiert par l’habitude.
Les qualités louables donnent à l’homme la possibilité d’accéder à la maîtrise de soi, avec les qualités de l’homme en qui l’humanité et la bienveillance se sont incarnées.
Il y a un lien entre trois notions fondamentales : la maîtrise de soi (l’humanité de l’homme), l’éducation et la raison.
L’humanité de l’homme, consiste dans le fait qu’il s’éloigne de ce qui enlaidit son image et qu’il cherche à cueillir ce qui l’embellit. Il n’est point d’humanité pour celui qui ne possède pas d’éducation, et il n’est point d’éducation pour celui qui n’est pas doué de raison. Celui qui croit que sa raison contient ce qui lui suffit au point de lui permettre de se passer des autres, celui-là n’a point de raison.
La raison est le moyen d’accéder à l’éducation et d’atteindre ce stade suprême de l’humanité de l’homme qu’est la maîtrise de soi.
L’éducation oblige l’homme de refaire le chemin fait par les autres hommes avant lui et de s’employer, sa vie durant, à acquérir ce que l’humanité a produit de beau et de noble : « Il n’est point d’outil pour acquérir l’éducation qui soit mieux que la raison, et il n’est point d’ornement sans la belle éducation. » dit le poète.
Cela montre que l’éducation est moins le fait d’instruire ou d’emmagasiner les connaissances que de préparer l’individu à accéder à ce rang supérieur de la maîtrise de soi à travers lequel se nouent tous les rapports de l’individu à ses semblables, sur le plan moral, social et politique.
Autrement dit, il ne s’agit pas d’instruire, mais de former.
L’homme sera invité à poursuivre la perfection de sa raison innée par l’acquisition de l’intelligence puisée chez les autres individus et chez les autres nations.
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« Les sages, dit le poète, sont d’accord sur le fait que la raison innée et la noblesse instinctive ne peuvent atteindre le degré ultime de la perfection qu’avec l’aide de la raison acquise. »
Car la raison instinctive est un instrument et la raison est acquise est une matière.
L’éducation n’est que la raison des autres que tu ajoutes à la tienne. Les lumières de la raison sont le produit de l’éducation qui agit sur une matière brute, la raison innée ou instinctive. Si cette intelligence innée est insuffisante pour s’élever au plus haut stade de l’humain, il s’avère toutefois qu’elle est nécessaire pour l’acquisition des savoirs et des qualités louables. Un dialogue s’établit ainsi entre la raison et l’éducation en tant que la première est la condition de la seconde, et que celle-ci est l’outil du perfectionnement de la première et de son passage du stade de l’instrument à celui de la matière.
La lumière du jour permet à tout être doué de la faculté de vision de mieux voir, mais agit avec des effets inverses sur les chauves-souris en augmentant leur mauvaise vue.
L’éducation a besoin de la raison pour accomplir son travail et qu’à défaut d’être doué d’intelligence (comme c’est le cas du sot), l’homme ne peut nullement profiter de l’éducation qui lui est offerte.
Les lumières de la raison sont le fruit de l’instrument primaire qui est, en puissance, ce qui permet à l’homme de se séparer de l’animal mais cet instrument peut, lorsque l’éducation fait défaut, rester inopérant et faire sombrer l’homme dans l’animalité.
La raison dite acquise se présente donc comme le résultat de la raison instinctive, mais un résultat jamais achevé ou fini. Son contenu, bien qu’il soit susceptible d’augmentation ou de diminution, dépend de deux facteurs : d’un côté l’expérience qui amène à utiliser fréquemment la raison et qui caractérise l’homme prudent, et de l’autre les facultés intellectuelles comme l’intelligence, l’excellence de l’intuition, la sagacité, et la rapidité d’esprit qui, en assistant la raison instinctive, permettent à l’individu de fortifier sa raison acquise.
Le savant et l’honnête homme
La formation de l’homme requiert l’expérience ou l’habitude, et ces deux dispositions sont tributaires de la discipline et du fait d’éprouver quelque chose, de le vivre.
La maturité est la forme de la raison. Donne donc à celle-ci la forme que tu veux».
La discipline aide à brimer les passions de l’esprit et à empêcher l’individu de sombrer dans l’animalité, ou bien : avons-nous affaire à une forme supérieure de savoir englobant toute la pensée de l’agir humain ?
L’homme doué de sens réussit à se gouverner lui-même, et est capable de diriger la conduite de ceux qui se trouvent sous son commandement. La thématique du gouvernement de soi n’est autre que la science de la morale et la première partie d’un ensemble formant, avec le gouvernement domestique et la direction de la cité, l’ensemble de la science pratique correspondant à cette formation morale de l’homme qui le prédispose à réussir sa vie privée (dans le cadre du foyer) et sa vie publique (en tant que citoyen).
L’homme doué de raison, établit un guide de bonne conduite, une grande pensée, et présente des maximes sur l’univers et le savoir vivre. La volonté se dégage dès l’ouverture aux relations humaines et connaît les principes de la bonne conduite en matière de règles liées à la vie quotidienne.
Le poète s’adresse à l’acquéreur potentiel de l’éducation en ces termes : « Je vais ici te donner les moyens d’exercer ton esprit à adopter les bonnes dispositions qui sont inséparables avant que de te laisser envahir par les mauvaises habitudes qui pourraient en découler. Dans sa jeunesse, l’homme a en effet tendance à se laisser surprendre par de nombreux travers, qui, parfois, pourraient prendre de l’ascendant sur lui ».
L’éducation, est le moyen de hâter l’acquisition de l’expérience qui doit augmenter avec l’âge, et avec les choses vécues et éprouvées.
L’expérience est une donnée fondamentale de la rationalité pratique et des qualités distinctives de l’homme prudent.
L’objectif suprême de l’éducation est de former l’homme à cette sagesse pratique qui le prédisposerait à bien délibérer et à bien gouverner.
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Le caractère des hommes à deux principes fondamentaux : poursuivre l’utile et écarter le dommage. Or d’après ces principes, tous les hommes sont naturellement portés à aimer le repos, la douceur de vivre, le cumul des biens, la grandeur, la puissance, la domination, le goût du nouveau, ainsi que le raffinement et tout ce qui est agréable aux sens, comme les beaux spectacles, les odeurs suaves, les mets exquis, les voix réjouissantes et les touchers délectables. La nature des hommes déteste le contraire et l’opposé de ce que je viens de décrire.
Afin de pouvoir les amener à vivre en commun, il leur faudrait donc une éducation qui serait fondée sur l’ordre et la défense, lesquels ne peuvent être efficaces que grâce à l’incitation à l’action et à l’inspiration de la crainte, deux principes qui sont enracinés dans leurs tempéraments.
Ces deux principes (inspirer la crainte et faire craindre un châtiment) a amené les hommes à obéir et ils sont donc valables pour le gouvernement de la conduite des hommes.
Espoir et crainte, sont donc le fondement de tout gouvernement et le pivot de toute politique, qu’elle soit grande ou petite.
Il faut éduquer la jeunesse en prenant pour gouvernail le plaisir et la douleur.
Les règles de conduite sont des instruments valables pour la conséquence du comportement.
C’est donc l’exemplarité du comportement.
Obéir ou désobéir.
Récompenser ou punir.
Tout pédagogue soucieux d’inculquer les vertus aux enfants serait donc amené à tenir compte de ces deux principes.
L’éducation des enfants
Dès le sevrage, on doit commencer à éduquer l’enfant, à l’exercer aux vertus avant qu’il ne soit assailli par les mauvaises dispositions et surpris par les mœurs détestables. Ce sont, en effet, les mauvais caractères et les sentiments malveillants qui se présentent d’abord à l’enfant et s’il y succombe, il en sera constamment dominé, incapable de s’en défaire ou de s’en écarter.
L’éducation négative consiste, non à guérir les vices du cœur humain, puisqu’il n’y en a point naturellement, mais à les empêcher de naître, et à tenir exactement fermées les portes par lesquelles ils s’introduisent.
Il s’agit moins d’inculquer la vertu que d’empêcher le vice de naître. Pour le bien de l’enfant, il faut que son père le mette à l’écart des comportements détestables et qu’il éloigne de lui les habitudes déshonorantes.
Quant à la méthode : l’espoir et la crainte, la bienveillance et la dureté, la douceur et le châtiment, l’éloge et le blâme.
L’apprentissage de l’alphabet, des belles poésies.
Dès qu’il maîtrise les bases de la langue, il est amené, ensuite, à choisir une formation qui sera adéquate à son naturel et à ses compétences. C’est le maître qui doit deviner les talents de l’enfant, ses penchants, et ses envies. Ce point est important dans la mesure où il tient compte des préférences de l’enfant d’un côté, et qu’il cherche, de l’autre, à éviter de perdre du temps dans le processus éducatif.
Éduquer l’enfant par les autres enfants, plus que par le maître.
Le fait de se trouver dans un groupe d’enfants permet à l’enfant de mieux apprendre et le rend plus réceptif à l’intériorisation des bonnes manières, par l’imitation et l’émulation. Par ailleurs, en donnant la parole aux enfants et en les laissant s’exprimer devant les autres, le maître favorise un apprentissage de nature horizontale puisqu’il émane des enfants et s’adresse à eux en même temps.
Ce point de vue défend la prise en compte du caractère de l’enfant.
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Pour les petits enfants, l'éducation c'est le maître d'école ; pour les jeunes gens, c'est le poète.
Le signe incontestable du grand poète, c'est l'inconscience prophétique, la troublante faculté de proférer par-dessus les hommes et le temps, des paroles inouïes dont il ignore lui-même la portée.
Le sens de la vie est de trouver son don.
Le but de la vie est de le donner.