CHIFFON
Il était une fois une petite souris qui s’appelait Chiffon. C’était une jolie fille qui vivait dans les rues de la Ville. Elle se promenait d’un quartier à un autre, avec à son bras un petit panier en osier. Et elle était magicienne.
Elle chantait sur les places le mystère de sa création.
Tout le monde aimait Chiffon. Sauf les jaloux parce que Chiffon apportait la joie de vivre. Elle riait et sautillait sur le macadam et elle dansait une ronde autour de laquelle se pressaient les badauds et les badaudes.
Chiffon était la vedette à Paname. Elle faisait tourner la ronde des rires et des pleurs.
Ses ennemis ne pouvaient s’empêcher de rire et de pleurer mais ils étaient jaloux et avaient envie de la mordre.
Et Chiffon chantait, sa jolie voix était si belle et si puissante qu’on l’entendait de loin et la reconnaissait.
On courait au spectacle de la souris.
Une nuit, Zigotto, un énorme chat rapiécé à l’âge antique passa près de la place où Chiffon donnait une représentation de ses talents.
Zigotto venait des ruelles malfamées de la Ville. Il levait la patte sur la roue d’une voiture quand la voix mystérieuse commença.
La voix venait de loin. D’un élan il sauta en haut d’un mur et du mur dans une gouttière, et de la gouttière il grimpa sur le toit. Du haut du toit le chat voyait la place. Des gens faisaient la ronde en chantant et se donnaient la main en tournant, gesticulant autour de la môme Chiffon qui s’égosillait en poussant sa goualante de souris.
Les sons aigus de la voix de Chiffon percent les oreilles du vieux matou. Zigotto a des frissons qui lui hérissent son poil noir.
Zigotto baille et se laisse tomber et dégringole du toit par le chemin de la gouttière. Sans que l’on sache par quel miracle, il arrive sur le pavé de la place, se faufile entre les jambes des fêtards. Il s’assoit sur le bord du cercle. Il contemple avec ses deux yeux usés. La jolie petite souris se donne comme une diva.
Chiffon finit sa chanson sur une note pathétique. Et toutes les choses vibrent, et la note de sa voix monte plus haut. Le monde sur la place regarde le ciel.
Zigotto a assisté au miracle et, malgré sa longue expérience de vie sur cette terre, il est étonné de ce qu’il vient de vivre. Il a vu et entendu comme tout le monde, et la souris a disparue.
Comme les autres spectateurs, il est un peu déçu car il aurait aimé voir la suite du miracle. Zigotto garde en lui le souvenir agréable de cette souris qui lui procure des idées appétissantes.
Zigotto se promet de rencontrer à nouveau Chiffon mais, cette fois il essaiera d’en savoir plus, sa curiosité naturelle de chat le pousse à agir.
Le vieux matou retourne dans sa ruelle. Il s’endort et rêve.
La Ville se repose de la journée et laisse aux gens de la nuit la liberté de profiter d’elle. Ainsi, pendant que les honnêtes gens dorment, les souris, et les rats dansent avec la Ville.
Cette nuit-là, Chiffon donne rendez-vous à un rat, un bon ami à elle. Ce rat s’appelle Filoche. C’est un bon gars qui a fait son trou en ville. L’air triste et songeur, son museau traîne au ras du sol. Pourquoi ce rat est-il si triste ?
Parce qu’il est orphelin, Filoche. Son fil est rompu. Et, quand il essaie d’en rassembler les bouts, cela lui fait un nœud chagrin dans le ventre.
Filoche traverse l’avenue déserte. Il marche au milieu du trottoir sans se presser. Il contemple la nuit étoilée, le ciel bleu pur au-dessus de la Ville illuminée. Filoche trotte dans le vent des rues. La nuit moulée dans l’ombre violette avec un bouquet de feux d’artifices répand son parfum d’ambre. Une nuit voluptueuse.
Filoche tourne dans une rue chic avec ses vitrines brillantes d’or. Il renifle le macadam propre où les traces de souliers ont une odeur de talc. De temps en temps il renifle une odeur de pieds et il sait que quelqu’un est passé par là qui n’est pas du quartier. Un quartier où les chiens font là où on leur dit de faire. L’ordre règne même dans le caniveau.
Chiffon est assise sur un banc, son petit panier à côté d’elle. Elle noue son fichu quand Filoche arrive.
- Bonjour Chiffon.
- Salut, Filoche.
Ils se font la bise sur le museau et Filoche s’assoit sur le banc à côté d’elle.
Chiffon croise les jambes et appuie sa tête sur une main. Elle a l’air d’une penseuse.
Filoche gratte ses poches. Il en sort un petit paquet de tabac gris avec des feuilles pour rouler, et une grosse boite d’allumettes. Il confectionne une cigarette et Chiffon commence à lui parler dans le silence de la place; le murmure des eaux dans le caniveau et les coups de vent des rues.
- J’ai réfléchi. Mais j’ai rien trouvé. Quand on rêve on est riche. Au réveil on est pauvre. Je n’aime pas les rêves. Je jouerai. Pour repousser la nuit.
Chiffon se redresse sur le banc, ses petits pieds ne touchent pas le sol. Elle se tient droite et tourne la tête vers Filoche qui fume.
- Il faut empêcher la nuit de descendre sur la Terre. Il faut qu’elle reste en haut du ciel. On doit la voir éclairée sinon on se perd dans le noir. Le noir. La peur de vivre pas du tout.
Chiffon saute du banc. Elle marche de long en large en agitant ses mains. Filoche pose sa veste parce que le temps est bon. Il s’étale, décontracté, sur le siège du banc.
Chiffon s’emballe.
- Allons, Filoche, il faut quitter notre apparence, rejoindre les lutins pour la danse.
Filoche ouvre enfin la bouche, une volute de fumée âcre s’envole et Filoche, dans un nuage, invente une réplique :
- J’suis pas pressé pour faire rien. Mais, s’il faut allumer les lampions de la fête, moi, je suis partant.
Chiffon prend sa corde à sauter dans son panier.
- En avant, Filoche. Suis-moi, j’vais dans les Halles.
- Les Halles ? C’est un trou à rats.
- Justement, on va les rassembler.
- Pour un grand soir?
- Un super chaud !
La petite souris crie. Le rat saute en l’air, retombe sur ses pattes, crie son enthousiasme. Il remet sa veste, Chiffon se passe la patte sur le museau et époussette sa robe grise.
Ils sont prêts. Ils se prennent par la main et partent du même pied en direction de la joie.
La joie de vivre a des amants.
Chiffon et Filoche descendent le boulevard, la nuit est presque noire. Les réverbères font des tâches de lumière saumâtre à travers l’épaisse buée grise qui enveloppe la Ville.
Tout le monde dort. Sauf la Ville qui veille avec les gens de la nuit. C’est le banquet de l’ombre, des feux follets. Parfois sont invités des trous noirs et des comètes. Les étoiles filantes font le service en robes de cristal.
Filoche lève la tête et aperçoit la Lune à travers les nuages. Le vent mauvais soulève la poussière et la sueur de la Ville.
- Je n’aime pas ce temps. La Lune est cachée par des nuages d’encre.
- Mon étoile n’est plus là.
- Dépêchons-nous, il va pleuvoir.
- On s’abritera sous une porte cochère.
- Ça nous rappellera le bon vieux temps.
- Ça fait longtemps qu’on s’est connus.
- À la dernière… Ce jour-là j’avais gagné un paquet.
- Fini c’temps là.
- Oui, mais ils ont encore besoin que j’leur donne.
- Que veux-tu leur donner, tu ne possèdes rien.
- J’ai quand même quelque-chose qu’ils n’ont pas.
- Qu’est-ce qu’y z’ont pas, Chiffon ?
- La joie de vivre.
- Ah, ça, alors, c’est vrai. Tu es la joie de vivre personnifiée. T’es ma mascotte, Chiffon.
- Non, je ne suis pas à toi.
- Pourquoi ?
- Je ne suis à personne.
- Et moi, j’suis tout seul ?
- Mais non. Tu comprends pas, toi, c’est pas pareil. Je t’aime bien.
- C’est vrai ?
- Mais, oui, Filoche, c’est vrai que je t’aime bien.
- C’est chouâtte.
Ils marchent vite dans l’obscurité. Des rares voitures passent en frôlant l’air tiède et humide de l’avenue. Les façades de pierres sont noires charbon.
- On va passer prendre Pantruche, notre ami chien.
- Tu sais où il niche ?
- Près de la place du Châtelet, rue aux Ours. Il a installé son atelier dans une cour. Il peint jour et nuit.
- T’aimerais qu’on l’emmène avec nous ?
- Ce soir, oui, on va passer le prendre.
Ils accélèrent le pas. La nuit est partout.
Ils traversent le boulevard Sébastopol, prennent la rue aux Ours. Au coin de la rue Quincampoix, ils pénètrent dans un immeuble moyenâgeux, haute maison de trois étages surmontés d’un toit pointu. Sous ce toit vit un artiste chien qui peint des gouaches et des aquarelles de Paris. Il s’appelle Pantruche. Mais, qui est-il vraiment ce chien ?
Une dernière pluie de cordes s’abat sur la Ville. Zigotto ronfle sur son galetas. Les premiers rayons de l’aube fendent l’obscurité du grenier. Des perles d’eau suspendues à des fils de soie.
Les moustaches du matou frémissent, un rayon de soleil lui chatouille la paupière, il ouvre un œil. Ses oreilles déchirées se dressent pour écouter la rumeur qui se lève.
Zigotto se pelotonne quand il perçoit des cris et des rires et les sons d’un orchestre qui bat des mesures endiablées de blues.
Zigotto souffle dans le vide, se hérisse sur ses pattes maigres et crache la gueule grande ouverte pour montrer ce qui lui reste de crocs. Il rouspète après les faiseurs de bruit; les empêcheurs de dormir en ronronnant.
Zigotto s’attend à voir surgir quelque ennemi. Le grenier est vide. L’orchestre infernal et les cris de la bamboula continuent.
Soudain la plainte lascive d’un saxo ténor vibre en trémolos. Le plancher et la toiture du galetas du chat sont agités par la tempête de sons, l’orage de bruits, le raz de marée des cris perçants. Zigotto hurle un miaulement d’effroi, toutes griffes dehors, il saute en l’air en rebondissant sur ses pattes squelettiques, crache tous azimuts. Puis il se sauve en courant plus vite que lui-même par la porte du grenier. Il saute dans l’escalier et se laisse rouler en boule ébouriffée qui crache, miaule, explose de fureur.
Zigotto se retrouve vite dans la rue, cabossé et chiffonné, les moustaches en désordre et la cervelle à l’envers. Il traverse, s’arrête près de la roue d’une belle Cadillac, lève la patte et pisse un long jet d’urine sur la jante en argent, souillant le caoutchouc du pneu tout neuf.
Zigotto est fier de lui.
- Ça, ça sera pour les chats de luxe en attendant qu’ils se fassent bouffer par les rats - pense ce matou des rues.
Au troisième étage, dans l’atelier de maître Pantruche, la fête fait le beau temps.
Dehors, le vent balaye les derniers nuages et sèche le macadam noir de pluie qui redevient gris poussière de ville.
Pantruche souffle dans son saxophone et une volée de notes s’éparpille dans l’atmosphère surchauffé de l’atelier. Chiffon l’accompagne avec son harmonica, elle tape le rythme avec ses pieds en dansant. Les griffes d’or de Filoche pincent les cordes de la guitare. En un accord final les trois musiciens se rejoignent. Pantruche pose son saxo et regarde par la fenêtre. En bas, dans la rue, l’agitation des hommes et des marchandises a déjà commencée à cette heure matinale.
Pantruche ouvre la fenêtre et crie : Zigotto, Zigotto !
Le vieux matou entend son nom et reconnait la voix de Pantruche. Il grimpe à perdre le souffle les trois étages de la maison où habite Pantruche.
Le maître a à peine ouvert la porte que Zigotto paraît.
- Bonjour maître.
- Bonjour Zigotto. Je t’ai fait venir parce que je tiens à te présenter mes amis que voici : Filoche et Chiffon.
- Pour ce qui est du bonhomme, je connais pas. Mais, pour la dame, on s’est déjà vus.
Chiffon fait la timide. Filoche s’approche de plus près pour voir l’ami de Pantruche. Zigotto ne quitte pas des yeux Chiffon.
- Alors, ma jolie, tu viens montrer tes talents à maître Pantruche ?
Pantruche prend la parole pour expliquer :
- Ils sont venus me chercher hier soir pour aller faire la fête mais le mauvais temps nous a obligé à passer une nuit blanche ici, à causer, à blaguer et puis, comme tu vois, ce matin, on s’est mis en train, en musique.
Zigotto se tourne vers Filoche qu’il examine de haut en bas et de bas en haut. Filoche sent le regard scrutateur du chat qui le découpe avec un laser.
- T’es costaud et pis t’as pas l’air bête, lui dit Zigotto.
- J’ai mon certificat et puis chais m’battre.
- T’auras pas l’occasion de te battre avec Zigotto, souligne Pantruche.
- Les amis de mes amis sont toujours mes amis, rétorque le chat.
Et alors ils se mettent à parler tous en même temps. Pantruche élève la voix au-dessus des autres et annonce :
- À table.
Le chat, la souris et le rat s’assoient autour du plat fumant que Pantruche a posé au milieu d’eux. Des viandes rutilantes, des poissons dorés, des os moelleux.
Pantruche sert à la souris un bol de lait avec des croûtes de pain dur pour tremper dedans et un gros morceau de gruyère avec des trous.
- Que c’est beau, dit Chiffon.
Les amis dégustent le repas de fête dans le silence gourmand. On entend le bruit des mandibules qui mastiquent. Le croquement des os, les coups de langue, les grignotements de pain.
Pantruche ouvre une bouteille de vin et les amis se passent le goulot.
Ils rient de toute leur gueule. C’est des hum. Des oh. Des ha. Des olala. Des que c’est bon. À la tienne, passe-moi la boutanche, que je me rince le gosier.
Ils lèchent leur plat jusqu’à la dernière miette.
Les quatre compères sont repus. Zigotto, Filoche et Chiffon sont affalés dans les fauteuils et commencent à digérer en somnolant.
Pantruche erre dans son atelier au milieu de ses toiles. Il cherche l’inspiration du moment. Il marche de long en large devant sa dernière création installée sur le chevalet.
C’est une grande toile représentant un bout du trottoir de l’avenue de Clichy, devant le célèbre cabaret du Moulin Rouge. Au-dessus du Moulin Rouge, des maisons du quartier avec, au lointain le dôme du Sacré-Cœur, et un bout du ciel.
Maître Pantruche est un maître reconnu par les peintres de Montmartre. Il peint Paris, il recrée l’ambiance des rues, l’atmosphère de la Ville avec des galeries de portraits de gens de tout acabit.
Les messieurs de la critique, préférant l’art conceptuel des salons petits-bourgeois, ont profané l’art populaire du maître incontesté du tout à la rue, et ces messieurs, à l’âme policée, ces messieurs qui détruisent en une nuit ce que les artistes font en une vie, ont déclaré récemment que Pantruche ne peignait que des merdes de chien. Le maître leur a bien répondu en leur disant :
- Je ne vais tout de même pas me mettre à mordre. Je peints, et vous jappez, vous aboyez : chacun son métier.
Maître Pantruche s’agite devant son tableau, les convives font silence en l’observant car chacun sait qu’il va parler.
Pantruche est un vieux chien du quartier, il y est né, il y mourra sans doute. Son poil roux usé est tâché de peinture. Son regard de myope se pose sur les choses avec acuité, ses propos perspicaces sont écoutés par la tribu des bonnes gens.
- Le problème de la culture, c’est qu’il y a beaucoup d’agents conservateurs. Cette pollution empêche les jeunes plantes de gravir. Comment voulez-vous profiter du soleil quand vous êtes enduit d’une couche de pétrole ? C’est impossible ! Alors, pourquoi puisez-vous toujours dans les mêmes sources polluées, vos produits exterminateurs ?!
Silence. L’assemblée ronronne. Le maître de parole reprend :
- Nous avons ici une toile d’artiste peintre; le public; et, au milieu, l’auteur du tableau. Quel est selon vous le plus important des trois ?
- Ta mère, lui souffle Zigotto. (Rires)
- Toi, Pantruche, dit Chiffon.
- Non, dit Filoche, le plus important des trois c’est la toile qui te fait vivre grâce à la générosité du public.
- Et qu’est-ce qui est le plus important pour un peintre qui est censé vivre son époque ?
- C’est quoi : époque ? demande Chiffon.
- Époque c’est aujourd’hui, simplifie le maître.
Pantruche regarde les animaux dans les yeux. Une cour des miracles avec leurs portraits dans son espace mental sensible. L’artiste s’extasie devant ses amis ébahis.
- Le plus important de tout, mes amis, c’est ce qui se passe devant la toile. J’ai beau renifler mes peintures depuis cinquante ans, essayer même de peinturlurer avec ma queue, ma conclusion la voici : ce qu’il y a de plus IMPORTANT dans mon œuvre c’est ce que j’ai vécu en étant devant mon chevalet, en tant que peintre. Vous devrez juger mon travail en connaissance de cause, messieurs les critiques - mais vous jugerez aussi en fonction de vous, si vous avez du cœur et des tripes. La critique fait partie du bonheur car elle participe à sa perfection. Tandis que ces messieurs-dames qui ont pour profession de foi de critiquer le travail des autres et qui ont de plus les bras à l’envers : ces critiques sont un malheur à la critique.
Zigotto s’est assoupi sur le tapis, Chiffon rêve en fixant le pompon du bonnet sur la tête de Pantruche perdu dans ses paroles. Filoche grimace d’effort et tend ses deux oreilles pour attraper chaque syllabe.
Chacun comprend à sa manière.
Le chien Pantruche se couche sur le tapis devant sa toile de maître. Le rat Filoche vient se blottir entre ses pattes de devant, leurs moustaches se touchent presque. Et le vieux, très vieux matou Zigotto ronfle au fond des coussins et Chiffon, la tite souris, palpite de vie.
Pantruche, Filoche et Zigotto. Et une souris, une drôle de souris.
Elle s’appelait Chiffon et nous faisait rire et pleurer en rond.
La maison faillit s’écrouler sous les coups redoublés dans la porte. Les bêtes sursautent ensemble.
Un grognement horrible se fait entendre et le bois et les pierres des murs tremblent, les trois peluches claquent des os.
- Ou-vrez !
Les deux syllabes prononcées comme une sentence à venir, un couperet qui va descendre et trancher le nerf vif de la vie aux coupables dont on attend les noms.
- Qui est-ce, ose souffler le chien.
Une voix de cochon vocifère :
- Monsieur, Verrat, propriétaire !
- Merde de cochon, dit le chien. J’ai pas payé mon loyer au taulier.
Pantruche est aux abois.
- Attendez ! Crie une voix jolie qui sort du haut de l’armoire - Chiffon s’y est réfugiée au moment de l’attaque.
Mais le cochon ne l’entend pas de cette oreille là et fait feu de tout son bois en vociférant à nouveau :
- Deux mille cinq cents francs, monsieur Pantruche, artiste peintre de son triste état.
Le chien grogne de colère à l’insulte. La porte rebondit dans ses gonds. Le verrat donne des coups de butoir avec son groin, fâcheux.
- Je vais chercher dans ma cachette dit Chiffon et elle dégringole de l’armoire puis disparaît.
Le chien, qui retrouve soudain confiance, gueule, pour faire rire ses amis et faire enrager le propriétaire :
- Vivra bien qui verra !
Les animaux rient comme des bêtes, monsieur Verrat trépigne avec ses sabots.
Dans l’atelier, c’est la liesse lorsque Chiffon apporte son petit panier rempli de monnaie. Le rat aide la souris à glisser les pièces et les billets de banque sous la porte comme dans la fente d’un guichet de banque.
- Deux mille quatre cents quatre-vingt-dix neufs francs. Il manque un franc.
Filoche :
- Ça fait beaucoup moins cher sur l’étiquette et puis c’est le franc symbolique pour les dommages et intérêts à cause que vous êtes un cochon.
- C’est de la ségrégation, répond l’intimé.
- Les cochons n’ont pas encore été réhabilités, ajoute Zigotto.
- Faut que tout le monde mange, ajoute le rat.
- Faut partager. Souligne la petite voix.
On aime la vie comme on est son amant.
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Pierre Marcel Montmory