ULYSSE à PÉNÉLOPE
Je cultive ma paresse curieuse entre terre et ciel. Le drapeau de ma peau flotte dans le vent. Et la pluie monotone m’abreuve de son chant. Quand ce n’est pas les rayons stridents du Soleil où les ombres geignant de la Lune, le chemin va par là où me mènent mes pas reniflant la route. Et je cherche le nez dans l’air des fumées hospitalières, évite les chiens aux aboiements crevés et les serpents déviants les routes.
J’ai quitté le ventre de la mer, chassé par les dragons de l’atmosphère pour chercher un autre refuge à ma faim, une étape dans mon exil obligé, chargé d’un compagnon au cœur lourd mais au cerveau léger. Ce compagnon qui me sert mes habitudes; compagnon qui partage l’incertaine vision de l’avant et de l’après. Quand je me tais pour ne plus entendre ce compagnon attachant, je compte sur l’espérance familière qui comblera mon ennui.
Je vais au remède mais pas sans l’aide d’un ami plus que parfait et que j’aime déjà plus que moi. Qui me soignera de cette santé sacrifiée à la joie quand la peine dans mes souliers n’entre pas, qui, d’un pas léger me tirera par le bout des doigts pour le grand saut au-dessus des ombres du vertige? Une des muses aux neuf vies m’emportera loin de ce compagnon de combat pour une paix chargée d’appâts et de joyaux qui me régaleront jusqu’à l’ultime. Et alors seulement après l’amère défaite, je me souviendrai de ce compagnon d’équipage pour renaître matelot aux yeux de ta fenêtre. Mon bateau entrera dans ton port et quand je baisserai mes voiles, tu relèveras le tien.
(Évidemment ce texte cache son secret, c'est une métaphore composée d'une paraphrase et destiné à ceux qui sont dignes de recevoir le secret parce qu'ils sont les fins lecteurs de l'Humanité. Ici, je ne pouvais parler dans le langage du commun car il est des vérités en mouvement qu'on ne peut exposer ni à tout venant, ni au sentiment des foules. La confusion maladive des esprits grossiers est toujours prête à détruire ce qu'elle ne comprend pas, par la simple raison que sa raison de masse est la violence comme état sous-jacent son apparente paix. Nous écrivons nos meilleures œuvres pendant les trêves et conjuguons nos verbes pour échapper à la menace permanente de la sédition - contre l’art ou la science, du premier imbécile nommé censeur. Quant au vulgaire littérateur spécialiste de justice inquisitrice et rédhibitoire, il trouverait là les moyens pour extorquer des preuves à l’improbable et recommander le châtiment exemplaire contre l’auteur de ces mots maladroits qui confondent les poètes déserteurs dans leur irrévérence devant les mausolées des académies et les uniformes).
Pierre Marcel Montmory