LES MUSES D’ANTAN<br />
Si t’as pas le droit, tu le prends quand même.<br />
Si on te donne un ordre tu désobéis.<br />
Si on t’interroge tu te tais.<br />
S’il faut dire oui, tu dis non quand même.<br />
S’il faut dormir, toi tu veilles.<br />
S’il faut veiller, toi tu dors.<br />
S’il faut le respect, toi tu dis merde.<br />
S’il faut se taire, toi tu cries.<br />
Tu es l’ancêtre, le père, le patron, l’ouvrier de ta vie.<br />
Tu es l’ancêtre, la mère, la patronne, l’ouvrière de ta vie.<br />
Tu n’entends pas les insultes et les menaces t’indiffèrent.<br />
Tu ne discutes pas avec les fanatiques tu les ignores.<br />
Tu n’as pas de pitié pour les victimes.<br />
Tu plains les bourreaux.<br />
Tu te moques des juges.<br />
Tu commandes la police.<br />
Tu exiges des politiciens.<br />
Tu désarmes les militaires.<br />
Tu attends la ruine du béton et du goudron.<br />
Si tu as faim tu te sers.<br />
Si tu veux apprendre tu prends.<br />
Si tu veux aimer tu donnes.<br />
Si tu veux naître tu chasses la peur.<br />
Si tu veux vivre tu restes nu(e).<br />
Si tu veux mourir tu es prêt(e).<br />
Ton pays c’est la Terre.<br />
Tes misères sont les frontières.<br />
Ta malchance les croyances.<br />
Ton exil dans ton corps.<br />
Tes pensées dans ta tête.<br />
Tes amours tout autour.<br />
Tes ennemis enterrés.<br />
Ton nom oublié.<br />
Ton chemin secret.<br />
Ton œuvre ta vie.<br />
Ta gloire de la poussière.<br />
Tes rêves des étoiles.<br />
Ta solitude bonne compagnie.<br />
Tes amis dans ton cœur.<br />
Tes enfants éparpillés.<br />
Tes dettes ignorées.<br />
Ton crédit à zéro.<br />
Tes papiers en papier.<br />
Ton présent éternel.<br />
Ton passé ennuyeux.<br />
Ton futur déjà connu.<br />
Ta destination le cimetière.<br />
Ta carrière dans le sable.<br />
Tes paroles dans le vent.<br />
Tes écrits sur ta peau.<br />
Et ton drap de peau.<br />
Sur tes os flottant.<br />
Et ton sang bouillant.<br />
Dans ton rire d’amante.<br />
Croque la pomme.<br />
Roule sur la terre.<br />
Avec pour chimère.<br />
Les muses d’antan.<br />
<br />
Pierre Montmory - trouveur
QUERELLES DE CHIFFONS<br />
<br />
Liberté voilée par les chiffons de la morale<br />
Amour étouffé par les torchons nationaux<br />
<br />
Les vengeurs sont assoiffés<br />
Les saigneurs récoltent le sang<br />
<br />
Sang pour sang <br />
Coule le pétrole<br />
<br />
Sang pour sang<br />
La guerre nous dévore<br />
<br />
Et les chiffons se déchirent<br />
Et les torchons brûlent<br />
<br />
Liberté voilée par les chiffons de la morale<br />
Amour étouffé par les torchons nationaux<br />
<br />
Femme prend ton bâton<br />
Et fais jaillir ta source<br />
<br />
Femme fuis les monstres<br />
Et sauve tes enfants<br />
<br />
<br />
Tes enfants sont l’exemple<br />
De ton innocente beauté <br />
<br />
Sauve ta beauté<br />
Protège ton amour<br />
<br />
Liberté voilée par les chiffons de la morale<br />
Amour étouffé par les torchons nationaux<br />
<br />
Le sang de ta vie<br />
Ton coeur le brasse<br />
<br />
Le sens de la vie<br />
Passe sur ta peau<br />
<br />
Vis sans regret<br />
Ni remord<br />
<br />
Nue dans le vent<br />
Je t’adore<br />
<br />
Liberté voilée par les chiffons de la morale<br />
Amour étouffé par les torchons nationaux<br />
<br />
Une femme qui dit ce qu'elle pense on l'accuse<br />
Elle s’en fout de leur avis puisqu’elle sait qu'ils la tromperont toujours<br />
<br />
Elle sait tout cela et c'est pourquoi elle est prête à partir<br />
Pars<br />
Et surtout ne te retournes pas<br />
Où que tu ailles tes ami(e)s t'attendent<br />
<br />
Ils lui conseillent la patience<br />
Elle ne pense plus à rien<br />
Sa propre compagnie lui suffit<br />
Elle s’aime bien<br />
Sa mère lui dit tu n'as pas où aller<br />
<br />
Son frère lui dit tu dois rendre des comptes à Dieu <br />
Et sa sœur lui dit pense à ce que vont dire les autres<br />
Mais elle ne doit des comptes qu'à elle-même. Elle ne peut plus être soumise même si elle l'a été pour longtemps<br />
Vivre, c'est ce qu’elle doit faire<br />
Ça ne sera plus comme avant<br />
Il lui faut tout de même bien avancer!<br />
Elle doit réfléchir à tout ça<br />
Prendre une bonne décision à la fin<br />
La fin de l’obéissance est sa renaissance<br />
<br />
Liberté voilée par les chiffons de la morale<br />
Amour étouffé par les torchons nationaux<br />
<br />
<br />
SURVIVRE N’EST PAS VIVRE<br />
Se faire la vie belle n'est pas facile. Oublie le mot difficile. Laisse tout tomber. Tu ne possèdes que ta propre vie et tu ne seras toujours qu'humaine. Le monde est grand et l'Univers davantage ! Jamais tu n'auras de regret si tu écoutes et suis ton coeur.
MOUSSAWAT<br />
En Algérie, les femmes s’imposent dans la marche pacifique pour se faire entendre pour une reconnaissance des droits des femmes et puis elles revendiquent l’égalité. <br />
« Si l'Algérie réussit, ça sauvera tout le Maghreb ». <br />
Les femmes n’ont pas l’habitude de manifester ensemble. <br />
Elles sont nombreuses pour que les hommes se disent : “Moi aussi je veux voir ma femme, mes sœurs et mes filles dans la marche.” <br />
Les femmes descendent massivement dans la rue. Les gars des stades n’aiment généralement pas les youyous, mais là ils en redemandent. <br />
Et maintenant les femmes sont indispensables.<br />
Les algériennes défendent l’égalité et dénoncent les violences faites aux femmes. Il n’est pas facile d’intégrer les questions. Il n’est pas facile de supprimer le Code de la famille.<br />
« Ce mouvement répare les femmes. Elles sont dehors ! »<br />
Le peuple réuni, ça dure un temps, après on redevient une population avec des femmes, des LGBTI, des pauvres… C’est maintenant que les femmes travaillent les liens entre les dominés. Sinon la déception risque d’être forte. Les femmes vont dire : “Vous nous avez utilisées pour aller dans la rue, et maintenant vous nous laissez tomber.” <br />
Les femmes revendiquent leurs droits tout de suite. <br />
Une posture qu’approuve entièrement le Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme.<br />
« On doit surtout se mettre d’accord sur notre projet et ne pas s’arrêter à des droits formels, outre le Code de la famille [qui inscrit dans la loi que les femmes sont des mineures à vie et que l’époux est le seul détenteur de l’autorité parentale], c’est la pratique du pouvoir qui pose problème. Le régime l’a monopolisé et a utilisé les hommes pour tout verrouiller. Pour beaucoup d’hommes, notre liberté les gêne ».<br />
Le pouvoir a coupé les têtes des islamistes mais il a repris leurs idées. Mais, aujourd’hui, ceux qui se disent révolutionnaires ont complètement intégré le statut actuel de la femme. <br />
« Quant aux femmes, elles aussi, elles sont très nombreuses à l’avoir accepté, par commodité, pour survivre. Il faut accepter l’idée qu’une partie de la population va évoluer doucement et que cela va nécessiter un travail en profondeur sur les mentalités. Et de notre côté, nous devons faire évoluer notre discours pour allier nos revendications sur les droits des femmes à ceux sur la justice sociale. »<br />
Corps à corps : les femmes les plus aguerries suscitent déjà des discussions enflammées.<br />
Jeunes, étudiantes pour la plupart et sont considérées comme « radicales » parce qu’elles ont décidé de manifester pour la fin du régime, et aussi, pour l’égalité (moussawat) entre les hommes et les femmes.<br />
« Djezair, horia, dimocratia » (Algérie, liberté, démocratie) :femme sur la route menant à la présidence (la Mouradia).<br />
Elles rappellent leur démarche et leurs revendications. Elles chantent pour se donner du courage.<br />
Elles prennent avec calme et discipline leur réunion, C’est un pur moment de délibération collective, à l’image de ce qui se passe un peu partout à Alger, dans les rues, les parcs et les places publiques. <br />
« Il faut absolument que nous soyons plus nombreuses pour que personne ne puisse remettre en cause notre légitimité <br />
« La chose positive, c’est que nous avons créé le débat, entre les hommes aussi.. »<br />
Tout le monde parle, dans les réseaux sociaux, la presse nationale, internationale, et les espaces publics de ce qui se passe avec les femmes, dans la rue, pour dénoncer le Code de la famille, l’inégalité et la violence.<br />
Depuis trop longtemps les femmes ne peuvent pas sortir dans la rue comme elles veulent, fumer une cigarette en public… Elles n’ont droit à aucun héritage…<br />
Dans la société actuelle, la proportion est de 80 % de conservateurs pour 20 % de progressistes.<br />
Les agressions et les menaces se multiplient.<br />
Mais loin des espaces organisés, les femmes qui parlent de leur liberté et de leurs droits s'exposent désormais à une violence inouïe. Les femmes ont peur.<br />
On ne peut pas libérer le pays tant que les femmes ne sont pas libérées.
L’Algérie est une femme, sans qu’il soit seulement possible de l’assortir à un visage. <br />
Dans la ronde de l’histoire, l’Algérie marque des étapes. L’Algérie fait avancer ses hommes avec son ventre. Elle marche, elle n’a que ça en tête. À chacun de ses pas, l’horizon recule d’un pas. Le temps est suspendu, au-dessus l’éternité. <br />
L’Algérie transmet une histoire passée et la faim présente. Tout autour d’elle, la ronde des gueux, puis celle du désir, puis celle de la faim – que l’on oublie. « J’ai fait la révolution autant que toi » - disent-ils.<br />
Algérie est seule, la guerre est finie. Elle est de retour et tout le monde la reconnaît. <br />
Algérie parle à ses compagnons opprimés : « Saurez-vous devenir des hommes ? ». <br />
Algérie rêve. Elle se donne au pays écorché Ils se parlent à eux-mêmes à travers la montagne ; cette montagne : le fatalisme. <br />
Le pays parle à l’Algérie et l’Algérie parle à ses hommes. Et l’écho de la montagne surgit pendant la marche. Ils vont à la recherche des solutions. La montagne est une fable. Le maquis est partout. <br />
L’homme n’est sorti de rien. Son père n’est que l’engrosseur de sa mère. « Il n’a jamais vu un père de près ». <br />
Le maître a remplacé le père et l’homme dit qu’il est un bâtard. Ses compagnons orphelins vivent la tragique ironie de leurs générations. « Ce pays est un pays de bâtards », où, les jeunes gens vont au temple de l’inflation ; à la bourse des désespérés.<br />
L’Algérie est une femme. Elle n’est plus ni mère ni épouse ni maîtresse mais une bête de somme, une bête dans les bas-fonds modernes. Elle se bat avec l’homme. Un arriviste, lèche-bottes des maîtres, il enseigne la bonne parole et les prophéties. Il détient les mots volés. <br />
Algérie vole les mots, l’homme est vaincu. <br />
L’homme copie la cour et les cérémonies. La quantité de révolte d’Algérie revient au peuple des gueux. <br />
La faim ou la fin ? La mort dans le déchet quotidien, la crotte des nations. Le portail de l’illusion et de la profanation est ouvert. Un cadavre est resté parmi le peuple. La tristesse baigne dans le clair-obscur. Sommes-nous encore des spectateurs de mensonges, de simples clients, mais témoins des gestes de l’Algérie? Nous la désignons à la justice. Algérie vivante.