7 Janvier 2022
À L’HUMAIN ARTISTE
Les valeurs humaines ne sont-elles plus que des valeurs marchandes ? L’être humain ne serait-il qu’un client dans le grand magasin?
Les anges qui protégeaient nos vies ne sont-ils pas moins vénérés que les armées ?
Le sentiment profond de l’amour ne serait-il pas réduit au simple émoticône pour le désir d’un instinct satisfait et d’un objet convoité ?
L’être peut-il être autre chose qu’un humain ?
Peut-on posséder plus que la vie ?
L’amour ne se résume-t-il qu’à de futiles intérêts ?
Le poète est-il bien mort ?
Est-ce la fin du rêve et l’extermination des utopistes qui annonceraient la fin de ce monde matérialiste ?
L’être humain se détesterait-il lui-même au point de détruire tous ces semblables ?
L’amour de la vie serait-il remplacé par la soumission à la morale des tyrans ?
La nuit debout et le jour assis voilà un poète qui oublierait son sommeil pour écrire un commentaire sur l’instant précédant l’appui sur la gâchette.
Pas de commentaires à mes commentaires. C'est comment taire les gêneurs. Comment taire ce qui ne fait pas partie des différences officielles rabâchées par le peuple domestiqué. Peuple prêt pour le meurtre de l'intelligence. Peuple entrainé à la destruction de la beauté. Peuple qui négocie sa liberté. Peuple qui hait l'amour. Peuple de la patrie des exploiteurs. Peuple ignorant volontaire et paresseux de volonté. Peuple qui est indifférent et poli avec l'étranger tant que ses maîtres ne lui donnent pas la permission de se constituer en meutes pour déverser sa haine sur tout ce qui bouge. Peuple qui vole à la vie. Peuple dictateur qui passe d'une folie à l'autre. Peuple unique et solitaire qui disparaît d'un coup de vent.
Vivra toujours le roi poète et vagabond d'amour contre tous les moulins à vent des patries et des fratries; roi le plus fort parce que roi le plus seul. Roi le plus seul que le dieu avec les peuples qui se comportent comme des troupeaux d'abattoirs. La pitié et la charité sont vertus des exploiteurs. La misère rassure les riches. Et l'idiotie donne une valeur à l'intelligence. La lucidité est prise pour du cynisme quand la servilité est prise pour de l'intelligence. Amène une bonne bouteille pour que nous buvions à la santé de notre courage d'être lâches pour la société!
FOUTUE JOURNÉE !
Si tu as du coeur tu auras le droit d'avoir des rêves. Parce que le rêve est toujours pareil au réveil y a personne pour l’entendre alors il s’efface et tu restes la bouche collée à son silence imposé, sans qu’une âme sauvageonne ne te questionne en te passant la main sur la nuque ou en te pressant sur ses seins.
De l'action ! La révolution est permanente ! Le poète comme un boxeur ! Comme un boxeur, ta sœur te voudrait plus fort qu’elle mais tu sais qu’elle n’a qu’une paire d’ailes quand toi tu ne possèdes qu’une peur d’elle, d’elle, d’une autre face inconnue, d’une même personne dont tu ne perçois qu’un visage - sans pouvoir y mettre un nom. Comme si ta propre sœur n’avait point de visage.
Foutaises ! La gueuse renaude sur les trottoirs! Faut lui faire la cour pour qu'elle se sente à son aise ! Sacrebleu ! Et tu ronchonnes au pinacle, tu entends l’oracle gronder en orages dans ton estomac qui se ronge d’amères questions du survivre, seul, avec un seul de toi, comme si tu n’étais plus que le linceul sur tes os, sans la chair dessus. Tu as perdu ta compagnie, la grâce de la solitude t’a abandonné et le charme de tes soliloques est rompu comme une digue au-dessus de ton horizon devenu funeste.
Je suis trop cloche pour trainer mes guenilles dans ces salons à rupins où des artiches cultivent des loisirs comme s’ils avaient le privilège de ne jamais mourir dans leurs musées où les tombeaux sont des trophées à la mort de l’âme jamais née.
Et puis, j’ai fait le tour du quartier. J’en ai rencontré un. Toujours le même. Il se suicide tous les matins au pont des Trépassés. Il a l’air rigolard quand il imite l’ultime enjambée. Par-dessus l’eau vive du destin commun. Je reste loin. J’attends qu’il rebrousse chemin vers ses dérives citadines. Je crains de marcher sur son ombre et de glisser pour de bon.
POÉTRIE FRAGILE DE L’ARTRISTE
Pis y en a qui vivent comme des princes et font un travail de roi, avec leur coeur de bon aloi - qui sait reconnaître les piqûres de la rose et les caresses de la soie, et alors ils donnent sans compter ce que leur génie leur échoit, et s'en vont, éternels, aux bras des muses qui hument le parfum de leur succès.
On sait comment t'es.
Dans ton ministère.
Ta poésie ne nous donne pas l'appétit.
On te file un ticket de métro pour que tu ailles dormir au chaud.
Pis on t'oublie parce que notre poème aime sans fin.
Et tous nos sens dévorent les feux de la joie.
Car avec des riens nous faisons de tout.
Le soleil de minuit et la rosée du matin.
Nous, les humains sans peur ni reproches.
Le paradis est dans nos poches.
Alors je jette ma pierre qui ricoche.
Au front des républiques.
Y A PAS D'AUTRE PARADIS
Ceux qui croivent
Et ceux qui boivent
N'ont pas idée
De ma santé
Je les enterre
Sans rien faire
Ma vie ma vie
C'est tout
Ce que j'ai
À offrir
Et je paie
Les tournées
Les valses
Et les rocks
Et à ceux qui meurent
Au bras de la peur
Je serine ma rengaine
Une bibine de la veine
Et j'en bois à gogo
Sur l'air des julots
Avec sur la poitrine
Le coeur de ma blonde
Qui joue dans les vitrines
Du grand monde
Où y a ceux qui croivent
Pis ceux qui boivent
Et ma goualante
Pour moi je chante:
Y a pas d'autre paradis
Pour faire notre bonheur
Amoureux de la vie
Le temps est un voleur
On me dit poète
Mais je suis
Le roi des menteurs
Le prince du baratin
Un escroc raffiné
Qui use ses souliers
À courir les muses
Pour brûler l'artiche
Que j'me fais fastiche
En minaudant des airs
Où en roucoulant des colères
Pour les tubards de la romance
Je rejoue une manche
Et quand il est bien tard
Je rafle l'oseille
Et emporte les cœurs
Je suis un voleur
Un oiseau du bonheur
Qu’il faut attraper
Avant le dernier acte
De la comédie du sang
Où surine le temps
Des perdus des chalands
Sur le trottoir
Ou dans les chambres
On me dit poète
Je suis
Un esclandre
Qu'on aimerait descendre
Ou monter au pinacle
Tout dépend du prix
De la perdrix ou du perdreau
Y en a pour les truies
Y en a pour les pourceaux
Des poètes poétant comac
Ici comme mézig et recta
On me dira poète
Comme on dit
Oiseau de paradis
Ou, c'est selon
La mise et le pompon
À L'ARTISTE :
Dîtes-lui que nous avons toutes les faims. Dîtes-lui aussi de venir avec nous parce que c'est avec nous qu'il improvisera le meilleur de lui-même. Il sera le meilleur de nous si son offrande est sincère. Et demandez-lui pourquoi il tend la main sans avoir rien donné de ce qu'il prétend posséder. Son talent reçu- en don gratuit par la providence - l'offre-t-il aux déshérités ?
JOURNAL DU VENT
Le journaliste :
Cultures vides.
Artistes vides.
Défilé des domestiques d’État.
Dédicaces simiesques.
Rues pleines d’apatrides égaux mendiants l’amitié.
Les trottoirs se rejoignent.
Duel des regards.
Le cœur serré nous voilà libres.
Et notre pays terrestre existe.
Seul ami entouré d’amis.
Une frontière se construit grâce aux ennemis que les nations imaginent.
Sans ami tu as peur arme-toi.
Le livre vit dans les mains qui pensent.
Le livre s’écrit dans le cœur généreux.
Le poète invente sa langue demain.
La langue rêve dans son palais.
Le palais est le beau du vrai.
Le vrai soutire un sourire aux nues.
Et la boue peut couler.
Sous la pluie je me relèverai.
Les trottoirs ont ramolli.
Le torrent gronde.
La vie est réveillée.
Tient bon et écoute.
Ma chanson vent debout.
Une voix anonyme et enrouée sur un trottoir: "Les mouettes sont-elles patriotes? " - je marche un peu, y a personne!
... "C'est vrai, qu'ici, y z'ont tout, alors, pas besoin de moué pisqu'y savent tout et qu'ils me connaissaient avant, ces émergents !"
Je suis un chien de français, je parle pas le francophone et j'ai pas la bite bleu-blanc-rouge.
Il nous reste les émigrants pour faire un pays accueillant les dollars et l'Éternel Clochard pour écouter mon boniment.
Fermer une porte est plus facile que d'ouvrir le dialogue. Mais vous ne vous salirez pas au contact des gueux qui usent les trottoirs.
Restez dans votre voiture.
Ami malgré vous.
Je dédie cet écrit à mon maître troubadour maghrébin I.Z. avec qui j'ai fait tourner le monde en 1985-86. (Je ne donne jamais le nom de mes amis - ni celui de mes itinéraires, seul le sable aura bu la dernière larme et seul le vent aura lu la dernière trace).
Paix sur eux.
Pierre Marcel Montmory