18 Juillet 2018
livre gratuit à copier et à partager
LE NOM D’UN CHIEN
ROMAN PARLÉ
Elle entre sans frapper, y a pas de porte entre nous
Je lui dis qu’elle est belle pour qu’elle me regarde
Elle se retourne et je me perds dans son visage
Ses yeux noirs et les vagues rougies de ses lèvres
Elle sait que je suis sauvage et m’apprend la liberté
Elle danse un rythme nonchalant
Le Soleil nous attend sur la place
Sa robe glisse sur sa peau soyeuse
Elle tresse une natte de ses cheveux de jais
Et moi chiffonnier je porte joyeux mes hardes
Elle sourit et gambille
Te presse pas je veux regarder le paysage
Le ciel bleu de Paris les yeux de la grisette
Je tangue dans le roulis des pavés
Elle regarde le ciel en nouant son fichu turquoise
Je fais une chanson si elle mime une danse
En me prenant la main elle sautille le long du ruisseau
Ma guitare et mon baluchon balancent en cadence
J’allonge mon pas au trot de cette cavalière
Elle sera fière de moi quand je chanterai au retour
Ne t’en fais pas Dihya que je lui dis
Chaque jour qu’on vit c’est une fête
Même dans le gris un rayon de Soleil est allumé
Moi, je peinturlure la ville avec ses titis
Les jours que l’ouvrier fait avec son cœur en musette
La belle journée en liberté fait la coquette
Elle saute à cloche-pied riant de la Terre au Ciel
Elle marche à mon bras et se marie à mon génie
La muse musicienne inspire mon souffle
Les notes volent dans le vent de ses rires
Et s’il fait mauvais le temps vient m’avertir
Vague de larmes où boire le chagrin
Ma lyre pleine au creux de ses seins
Pince les cordes de ma rude maîtresse au bois blond
Pour la faire chanter et arrêter toute cette pluie
Nous voici installés Dihya Wanka, et moi, Marcel Kleb
Goualant la chansonnette aux chalands pressés
Des vagabonds errants se posent sur la chaussée
On nous voit à tous les coins de rue dans les patelins
Faut profiter des occasions autant qu’on peut
Avec mes zigs la poisse s’éclaircit
Les poltrons baissent le ton arrogant de leur jactance
Ici l’on offre sans compter votre portrait sur mesure
Et les marrons auront leur poire en confiture
Si les quidams ne trouvent pas leur vague à l’âme
Mais les artistes embobinent l’humeur râleuse de la rue
Et les saintes Nitouche et les gais rupins d’la neuille
N’auront qu’à mater les macs coquins et serrer leur bourse
Sous les étoiles dansent les pierrots et la Grande Ourse
Marcel le gavroche donne des frissons à la Môme
Dihya exprime le mélo des larmes de son mouchoir
Les badauds ouvrent la bouche pour boire la rosée
Du soir tombe derrière les monts de piété
La Lune pâlotte souriante et un rayon de Soleil resté allumé
Pour une muse insensée
Terre mère tourne le manège des cieux attendris
Le vent fait siffler les moulins et les meuniers farinés
Dansent avec les boulangères aux fesses de pain
Tandis que les maçons signent leurs façons dans la mie
Du temps pour marier les cathédrales de la faim
Lève haut ton chapeau et passe au voisin le bonjour
Sur la place tu auras croisé plus d’un bel amour
Mais celui des gavroches et chiffons tu n’en trouveras
Que sur le parvis du ciel où les moissonneurs de la joie
Ramassent leurs poches pleines d’inquiètes blessures
Je ramasse l’argent, range ma guitare
C’est l’heure de manger
Le bourgeois sort de sa banque et les bureaux encombrés
Délivrent leurs actionnaires et les bourses dévaluées
Dans le fleuve argenté des lumières et de la prospérité
Viens mon beau faut rentrer dans notre quartier
Nos amis nous attendent pour payer la tournée
De la nuit jusqu’au lever du jour
Nous buvons notre bon alcool des mots
Plumes d’anges sur l’aile de la destinée vogueront
Les mots sont trop souvent des généralités qui servent
À gouverner les êtres vivants sans les nommer
Les parleurs pour paraître savants utilisent les sots
Ce qui ne signifie rien prend le sens de l’idiot
Ne dit rien mais le dit comme il faut et plait aux animaux
Ainsi l’on parle de femme, d’homme, d’enfant, et du vent
Tout dans le même sac vide du tout va communément
Pour cause à défendre et jouer avec les sentiments
Des foules abruties prêtes à tous les vils serments
Qui font de l’humanité le pire des emmerdements
Les prétendants au pouvoir sur les peuples dictateurs
Combinent divines promesses et corrompent les cœurs
Les larbins sucent la moelle et se placent en voleurs
Pour une place au pied du chef trompent les leurs
Et leur servent de bonnes excuses pour tous les malheurs
Ainsi les familles les patries les gangs sur la Terre
Offensent l’amour salissent la beauté dans des guerres
Torturent l’enfance tuent la jeunesse créent des frontières
Leurs artistes composent des œuvres pour les cimetières
Le dieu si gourmand dans les cieux est repu et prospère
Les mots sont les mots le bon bien l’idiot un cancre
La parole vole au vent l’écrit se noie dans l’encre
Le poète enfante un poème faim au ventre
L’entière humanité souffrante reste au centre
Du langage des tribuns se méfie la vie, que diantre
Pierre Marcel Montmory - trouveur