Mahmoud Darwich
« Oui, j’écris en état de joie. Pas pour survivre, simplement pour vivre ».
« Sans doute avons-nous besoin aujourd’hui de la poésie, plus que jamais. Afin de recouvrer notre sensibilité et notre conscience
de notre humanité menacée et de notre capacité à poursuivre l’un des plus beaux rêves de l’humanité, celui de la liberté, celui de la prise du réel à bras le corps, de l’ouverture au monde partagé et de la quête de l’essence ».
« Le monde a besoin de poésie et de poésie simple, pour dire ce que de tout temps et sous toutes les latitudes les poètes ont chanté : l’étonnement devant la beauté d’un arbre, la peur de l’inconnu, la célébration des sentiments ordinaires ».
Elle, le soir
Elle est seule, le soir
et moi, comme elle, je suis seul...
Entre moi et ses chandelles
dans le restaurant hivernal,
deux tables vides. [Rien ne trouble notre silence]
Elle ne me voit pas quand je la vois
cueillir une rose à sa poitrine.
Je ne la vois pas quand elle me voit
siroter un baiser de mon vin...
Elle n’émiette pas son morceau de pain,
et moi, je ne renverse pas l’eau
sur la nappe en papier.
[Rien ne ternit notre sérénité]
Elle est seule et je suis seul
devant sa beauté. Je me dis :
Pourquoi cette fragilité ne nous unit-elle pas ?
Pourquoi ne puis-je goûter son vin ?
Elle ne me voit pas quand je la vois
décroiser les jambes...
Et je ne la vois pas quand elle me voit
ôter mon manteau...
Rien ne la dérange en ma compagnie,
rien ne me dérange, nous sommes à présent
unis dans l’oubli...
Notre dîner, chacun seul, fut appétissant,
la voix de la nuit était bleue.
Je n’étais pas seul, elle n’était pas seule.
Ensemble nous écoutions le cristal.
[Rien ne brise notre nuit]
Elle ne dit pas :
L’amour naît vivant
Et finit en idée.
Moi non plus, je ne dis pas :
L’amour a fini en idée.
Mais il en a tout l’air...
« Le poète est celui qui doute et accepte l’autre. Il me semble que la poésie est liée à la paix. Elle est en adoration devant la beauté des choses et bien entendu devant la beauté féminine. L’intégrisme isole la femme et la cache. La poésie aime le vin ; l’intégrisme l’interdit. La poésie sacralise les plaisirs sur terre. L’intégrisme s’y oppose farouchement. La poésie libère les sens. L’intégrisme les bride. La poésie humanise les prophètes. C’est pourquoi la culture engendrée par l’intégrisme religieux est antipoétique par excellence. L’intégrisme peut aller jusqu’à supprimer tout ce qui est contraire à sa conception du monde. En ses formes les plus extrêmes, il représente un danger mortel pour la poésie et pour les poètes ».
« Il faut accueillir ma poésie avec des critères esthétiques universels, et non selon l’appartenance particulière de l’auteur. Je réclame d’être traité en tant que poète, non en tant que citoyen palestinien écrivant de la poésie».
« Il est vrai que le poète ne peut se libérer des conditions historiques qu’il vit, mais la poésie nous offre une marge de liberté, et une compensation métaphorique à notre impuissance à changer la réalité. Elle nous relie à une langue se situant au-dessus des conditions qui nous enchaînent et nous empêchent d’être en symbiose avec notre vécu humain. Elle peut également aider le sujet à se comprendre lui-même en se libérant de ce qui l’empêche
de voler librement dans un espace sans limites. Dire que le sujet a le droit d’être reconnu en tant que tel dans un groupe, c’est une façon comme une autre de vouloir la liberté des individus qui composent le groupe. De ce point de vue, dans le contexte d’une lutte de longue haleine, cette poésie qui exprime notre humanité et nos préoccupations individuelles – qui ne sont jamais seulement individuelles – est une poésie qui représente la dimension humaine subjective de l’acte de résistance poétique, même quand c’est une poésie qui parle de l’amour, de la nature, d’une rose que l’on contemple ou de la peur qu’inspire une mort ordinaire. (...)C’est un acte de résistance que de voir la poésie assimiler la force de la vie ordinaire qui est en nous. Pourquoi alors accusons-nous la poésie d’apostasie lorsqu’elle assume les beautés sensibles et la liberté d’imagination qui sont en nous et résiste à la laideur par la beauté ?
La beauté est en effet liberté et la liberté beauté. C’est ainsi que la poésie qui défend la vie devient une forme de résistance ».
« Qui, si je ne m’exprimais par la poésie, me comprendra ?
Qui, si je ne m’exprimais par la poésie, me parlera d’une nostalgie cachée pour un temps perdu ?
Et qui, si je ne m’exprimais par la poésie, connaîtra la terre de l’étranger ? ».
LE PARFUM DE L’AMOUR
Exilés sur la planète Terre
Isolés dans les prisons des nations
Entre les quatre murs des croyances
Humain le beau pays dans l’Univers
Fais ta part et vis pour tous contre tous
La vie sans raison te donne le choix
D’être libre et d’avoir tout déjà
Anonyme et né riche pour vivre
Ton premier ami c’est toi compagnon
Regarde dans le reflet de mes yeux
Je t’offre ma vue pour tes dons généreux
Le peu que tu as ou le tout me va
Pense je t’aime déjà plus que moi
Si tu as la haine ce n’est pas toi
Ce sont d’autres qui t’ont mis hors de toi
Tiens mon amitié est égalité
Il n’y a pas d’étrangers sur Terre
Seulement des pas vus pauvres oubliés
Qui n’ont pas de place sur les marchés
La police les tient pour condamnés
La misère nous tient emprisonnés
Notre faute est d’être nés riches
Sans envie jalousie ou ambition
Nous sommes la honte des soumissions
Les nations nous chassent où qu’on aille
Les idées nous interdisent partout
Les juges les châtiments les crachats
Rien n’arrête notre émigration
Les terres mers ciels et vents sont à nous
Les murs ruinés tombent naturell’ment
Les roses et leurs épines chantant
Dans nos sentiers le parfum de l’amour
Pierre Marcel MONTMORY trouveur
L’ARTISTE
Oui ou non, respectons-nous les lois essentielles, écrites ou non écrites, de l’amour de l’Humanité tout entière. Oui ou non, nous nous faisons les avocats de la réconciliation ou si, en ce monde chaotique et grimaçant que, peu à peu, des peuples désespérés confient aveuglément aux pires démagogues, nous ajoutons de la division à la division, de la haine à la haine, du mensonge au mensonge.
Un ton de tocsin de ce message pourrait paraître exagéré à certains.
Il existe une Transespèce humaine, ou plutôt humanimale, une population composée d’êtres qui sont de nature hospitalière, des vivants d’une étoffe que je trouve merveilleuse, toujours encore en tissage et en métissage.
Leur nature échappe aux définitions territoriales, nationales, identitaires. S’ils ont pris leur source dans différentes clôtures, géopolitiques, s’ils sont « nés » afghans, chinois, miq maq, français, togolais, norvégiens, mapuches, féroïens, khmers, uruguayens, éthiopiens (à suivre…) ils ont par la suite transporté leur cours à travers pays et continents.
En rencontrant bien d’autres et frottant leurs cervelles à ta cervelle, en s’exposant toujours, joyeusement, à bien d’autres, ouverts au risque de la surprise, ils sont ouverts, larges, et toujours en métamorphose, passant d’un âge à l’autre sexe, octogénaires de trente ans, génies curieux, aventuriers des temps, résistant dans la pratique aux tentations paresseuses de l’Appartenance et du Propre.
Ce ne sont pas des fantômes, ni des habitants des rêves. Ils ont des papiers. Ils obtiennent des visas. Mais naturellement, ils ne se prennent pas pour leurs papiers. Plutôt pour des poèmes, et toujours en traduction. Ils écoutent, ils ont l’oreille gourmande et la langue enchantée. Ces amis de l’amour plutôt que de la haine, vous les aurez reconnus, n’est-ce pas ?
D’après Ariane Mnouchkine et Hélène Cixous
JE TE QUITTE D’ACCORD
Ne me cherche nulle part je suis le poème
Devant toi à dire mon fait mes émotions
Y a pas de commentaires d’explications
Idée ou jugements c’est pas ce qu’on aime
Ne crois rien écoute je suis le poème
Une trace éphémère qui inquiète
Parce qu’il ressemble à un mensonge vrai
Et que je le répète sans le faire exprès
Ne me coupe pas lis jusqu’au bout
Sur mes lèvres je prononcerai tout
Tout le poème qui me rendra fou
Si je ne le dis maintenant ici
Ici ou tu peux seul(e)me voir vivant
Je n’aurai pas d’autres arguments
Après ma mort ce sera pareil
Le vent efface mes pareils
Car je suis un passant
Qui chante balade
Tout le long de l’ennui
L’éternité je jouis
Je jouis avec mon amour
Je ris la nuit et le jour
Les beautés à ma portée
Les fruits mûrs bien mérités
N’hésite pas
Ô, ma vie, Ô
Je te quitte
Je suis d’accord
Pierre Marcel Montmory trouveur