22 Avril 2020
L'HOMME OUBLIÉ
poème de Jean-Luc Moulin
Quand les matins s'ébrouent, silencieux écorchés
Et qu'il n'est plus d'élan à leur soleil de glace
Alors, sans un regard pour la nuit qui s'efface
Et seul parmi les siens, s'en va l'Homme Oublié.
Ses mots d'espoirs blêmis grelottent à ses pieds,
Haranguant le passant au pas de poignard cru,
Agitant sous ses peurs un cœur à moitié nu,
Rêvant encore d'un geste ou même d'un baiser.
Mais nul ne se retourne ou n'esquisse un élan,
Un début de présence, un pas vers l’exister,
Le peuple qui travaille a bien trop mal aux pieds
Et crache sa peur à la paume des errants.
Mais lui, ces pieds Madame, il les compte et recompte
Et sans talons aiguilles, poinçonnant l’espérance !
Non, juste au bout des doigts, quand sa ferveur avance
Il veut vous les hurler, mais en alexandrins !
Car lui, ces pieds Monsieur, oui Vous, Monsieur le Conte !
N’auront jamais l’éclat de vos souliers vernis,
Enfin qu’un « moins que rien »vous aura assouplis
Avant de les lustrer, pour Votre plus grand bien !
Non, lui le « va-nu-pieds » qui affûte son verbe
Aux regards aiguisés jusqu’à trancher l’espoir,
Funambule amnésié sur l’oubli du trottoir,
Il vous les confiera, sous vos effrois acerbes.
Il sait la fin écrite à ses espoirs noués
Comme le pas clouté ordonné à vos sbires,
Les feuillets envolés à leurs tristes plaisirs
De gommer de vos seuils le prix des Oubliés.
Alors il s’en ira, son sourire d’affranchi
Sciant talons aiguilles, matant souliers vernis,
Rassemblant dans l’urgenc’ son grand bouquet de vers
Pour aller les semer au plus Vrai de la Terre.
Alors il s’en ira dormir sous d’autres cieux,
De jardins partagés en squats oublieux
Où son oubli subsiste en passés sacrifiés
Mais la nuit est possible à force d’exister.
Quand les matins s'ébrouent, silencieux écorchés
Et qu'il n'est plus d'élan à leur soleil de glace
Alors, sans un regard pour la nuit qui s'efface
Et seul parmi les siens, s'en va l'Homme Oublié…
POÈMES - JEAN-LUC MOULIN - LIVRE - Le blog de Pierre Montmory
J'irai taguer vos murs en crachats mélodieux Et conter à vos chiens le temps qu'ils étaient loups Puis j'irai m'endormir au secret le plus doux De trop aimer la Vie avant que d'être vieux... - ...
http://www.poesielavie.com/2017/09/poemes-jean-luc-moulin-livre.html